L'article publié par le journal Paris-Normandie, certainement en 1949

 

 

M. Bernard Verdier et son téléviseur

 

 

Le prototype de St-Ouen-du-Tilleul

 

 

L'antenne de M. Verdier

( Yagi 2 éléments en polarisation verticale )

 

 

 

La télévision dans chaque foyer ? PAS ENCORE. Mais déjà, d'intéressants essais dans la région elbeuvienne. Et bientôt, le fabrication de postes en série.

Un article d'Yvon Pailhes publié par Paris-Normandie en 1949

Si la portée de l'onde de télévision est théoriquement de 100 à 120 kilomètres, l'on sait qu'il se trouve d'ingénieux bricoleurs pour capter dans des régions de Normandie plus éloignées, les émissions envoyées par la Tour Eiffel.

Tout dépend du perfectionnement de l'appareil, de ses moyens d'amplification. Cela dépend également de la situation du terrain.

L'onde balayant le sol à la manière d'un rayon lumineux, il est évident que les obstacles l'arrêtent, une forêt, des falaises,alors qu'elle se propage aisément sur une terre plate.

La région d'Elbeuf se trouve à la limite (théorique, répétons-le) des émissions de la Tour Eiffel mais il semble bien qu'il soit possible de les recevoir dans des conditions satisfaisantes.

Le téléviseur d'un radio-électricien

M. Bernard Verdier (le frère de notre confère et ami Jean Verdier) un jeune artisan radio-électricien qui habite Elbeuf même, travaille depuis environ six mois à la construction d'un poste de télévision.

Outre les études spéciales qu'il a faites dans une école de radio, Mr Verdier, démobilisé d'Indochine depuis peu a acquis là-bas de grandes connaissances dans les services de dépannage des appareils de l'armée. Il travaillait surtout sur les très hautes fréquences (poste de chars d'assaut) et la technique de la réception télévisée étant en beaucoup de point semblable, il s'est passionné dès sont retour pour cette réalisation.

Les plus gros frais ont été pour lui l'achat de lampes spéciales (son appareil en compte vingt) et d'un tube cathodique : 35.000 francs en tout.

Sur son écran de 18 cm, nous avons pu voir, transmis depuis la Tour Eiffel, des films de courts métrage dont l'image était très bonne. La seule imperfection, nous a fait remarquer M. Verdier, est une espèce de pluie de points blancs comparable à celle que l'on pouvait voir sur les premiers films. Cet inconvénient est d'ailleur moins marqué sur les émissions en direct et il m'empêche nullement de suivre un programme.

La distance en serait la cause. Notre infatigable chercher améliore chaque jour ses réceptions et il espère bientôt obtenir une image parfaite.

Il s'efforce en outre de lutter contre les parasites qui proviennent des autos passant dans la rue et nuisent de façon visible à l'image comme au son, aux heure de grande circulation.

Nous sommes persuadés que le combattant d'Indochine (qui en a vu d'autres), trouvera bientôt la bonne carburation, quand bien même devrait-il installer son antenne – comme il en a l'intension – au sommet de l'impressionnant sapin qui s'élève dans son jardin.

Un prototype de grande marque

En attendant l'exécution du plan qui prévoit l'extension de la télévision sur tout le territoire, les constructeurs de postes de radio et téléviseurs s'inquiètent de chercher des débouchés dans des régions qui, comme celle-ci, remplissent les conditions d'une réception convenable.

C'est ainsi qu'une grande marque dont les ateliers de fabrication sont à Rouen, vient de réaliser un superbe prototype qu'elle met actuellement à l'essai en Normandie.

Son directeur, M. Auvray, nous a fait assister à ces essais dans la maison de campagne de l'un de ses agents, à St-Ouen-du-Tilleul (Eure) qui est encore, à la limite du département, dans la région Elbeuvienne.

Le choix du lieu est particulièrement heureux puisque Saint-Ouen-du-Tilleul est situé sur le plateau du Roumois, à quelques 60 mètres d'altitude et qu'il se trouve dans la zone théorique de portée des ondes de la Télévision Française.

Même netteté d'image qu'à Elbeuf chez M. Verdier, vision plus agréable même, mais c'est une question de tube, car l'écran est plus grand (30 cm).

Mêmes inconvénients au sujet des parasites provoqués par les autos mais évidement, il passe ici beaucoup moins de voitures. Cet ennui est à peu près négligeable.

Même pluie de points blancs aussi due à la grande distance. Les techniciens appellent cela le "souffle" qui correspond au bruit de fond entendu à la radio lorsque l'on capte un émetteur trop éloigné, ou pas assez puissant.

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'un tel appareil utilisé dans de semblables conditions n'en reste pas moins une très agréable distraction. Et les dix à quinze invités qui, depuis le début des essais du prototype, se pressent chaque jour aux heures d'émission, dans la petite maison de Saint-Ouen, sont bien de cet avis.

Mais, demandez-vous, le prix ?

Pour ce poste, qui sera fabriqué en petite série d'ici quelques mois de 120 à 130.000 francs, plus l'installation de l'antenne qui revient à environ 20.000 francs.

150.000 francs... ce n'est évidement pas donné, même si l'appareil est beau, même si les émissions de la Télévision Française sont intéressantes.

Parallèlement à la réalisation de ce téléviseur particulièrement perfectionné, la maison prévoit pour les mois de février-mars 1950, la fabrication en série (une centaine par mois) de poste moins important par la dimension de l'écran qui ne sera que de 22 cm. Il n'en coûterait alors que 80.000 francs, plus les frais d'installation, avec possibilité de vente à crédit.

La télévision dans chaque foyer ?

En tenant compte des nombreux résultats acquis par les radio-électriciens, comme M. Verdier, ou par de grandes marques dans d'autres régions de Normandie (et dont nous avons rendu compte depuis quelques mois) doit-on en conclure que la télévision est prête à entrer dans chaque foyer normands ?

Certainement pas.

Il faudra attendre, d'une part l'installation de ces postes de relais qui, si l'on en croit les personnalités de la télévision que nous avons pu toucher lors d'un récent reportage, serait une question de quelques années (cinq à dix pour un réseau complet).

Et d'autre part, que les prix de vente des téléviseurs soient plus abordables.

En attendant, bien sûr, rien n'empêche les passionnés de radio de bricoler des récepteurs de télévision. Et rien ne s'oppose à ce que les constructeurs hardis envisagent leur fabrication en série et frappent à la porte des privilégiés de la fortune dans des régions où il n'en manque pas, et où l'onde émise par la Tour Eiffel a le bon goût de passer.

 

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