Voici quelques publicités

pour des récepteurs

de radiodiffusion de l'époque

 

 

Le "Ruby Luxe" de chez Pyrus-Télémonde

 

 

Le Modèle "SAPHIR" Luxe de chez Pyrus Télémonde

 

 

 

Le "Cristal Grandin" ORCHESTRAL Type 604

 

 

Le "Cristal Grandin" FANFARE Type 602

 

 

 

 

De plus en plus les parasites industriels gachent les auditions, voici le LGM, le champion des postes à cadre

 

 

 

"Le récepteur des connaisseurs" le CL 769 de chez AMPLIX, CADRE BLINDÉ incorporé ANTIPARASITÉ

 

 

 

Récepeteur "Cristal Grandin" OPÉRA Type 802

 

 

Publicité pour un constructeur local, les établissements MARQUETT, rue d'Elbeuf à Rouen. "Vos acheteurs trouveront dans ces nouveaux appareils une gerbe de qualités..."

 

Un nouveau slogan : « Bernay, ville exemple de la bonne réception radiophonique ». C’est le titre d’un reportage d’Yvon Pailhes publié dans les colonnes du journal Paris-Normandie du 5 avril 1949.

Première en France, cette ville normande de 8000 habitants sera systématiquement passée au crible de l’antiparasitage.

Heureux sont les habitants de Bernay ! La radiodiffusion veut faire de leur ville, la « ville exemple de bonne réception radiophonique ».

Située à la limite de perception des émissions de Paris, Bernay s’estime, à juste titre, copieusement « servie » en parasites. Elle ne compte pas un seul auditeur satisfait.

A l’insuffisance d’intensité des émissions parisiennes, s’ajoutent maintes causes de troubles plus ou moins complexes. D’abord pour tout un quartier situé au sud de la ville, le passage d’une ligne de 30 000 volts dont les auditeurs voisins connaissent bien l’indicatif : le parasite type « bouilloire sur le feu ».

Autre source de trouble – comme hélas à toutes les villes de France – l’utilisation par les artisans, les industriels et même les particuliers, d’un appareillage électrique non muni de dispositifs antiparasites.

Ainsi pour la première fois en France, une ville va se prêter à une expérience décisive d’antiparasitage systématique. Décisive, car elle permettra la mise au point d’une méthode qu’il sera alors possible d’étendre à toutes les villes de France.

UN PLAN DE COMBAT

Notre radiodiffusion tient à mettre tout en œuvre pour que l’expérience soit concluante. Le succès doit être complet. Une ligne de conduite sera d’abord mise au point au cours d’une réunion tenue à la mairie. Premier objectif, s’assurer la bonne volonté des quelques 8 000 habitants de Bernay, dont on compte une bonne moitié d’auditeurs. Cette précieuse collaboration sera facilement obtenue avec l’aide et le complet accord des autorités locales et des diverses corporations.

Un bureau sera installé à la mairie où se tiendront des spécialistes venus tout exprès de Paris, auxquels les radioélectriciens de Bernay ont d’ailleurs promis leur entière collaboration. Ils disposent de voitures-ateliers et laboratoires munis des appareils de détection de contrôles les plus modernes.

Si l’écoute d’un auditeur est perturbée, il lui suffira de s’adresser au bureau où, sans aucun engagement ni dépense de sa part, un service de renseignements se tiendra à sa disposition. S’il en exprime le désir, on s’emploiera dans le plus court délai à déceler la perturbation qui nuit à l’écoute de son poste.

Si on découvre que le coupable est le moteur d’un atelier voisin, son propriétaire sera invité à faire installer sur l’engin un dispositif antiparasite. C’est à ce moment, peut-on penser que les difficultés commenceront. La Radiodiffusion Française ne le croit pas, car une occasion unique sera offerte aux bernayens de se mettre en règle à bon compte.

En effet, la loi exige, on le sait, que ces mesures de protection soient observées. Dans l’expérience de Bernay, la Radio se gardera bien de brandir les foudres de la justice. Au contraire, elle offrira aux intéressés l’appareillage voulu qui sera immédiatement installé avec leur accord, à des prix très intéressants.

Parallèlement à cette action chez les particuliers, toutes les installations extérieures (lignes électriques et téléphoniques) seront soigneusement contrôlées et aménagées pour le bien des auditeurs.

Il s’agit en fait de « peigner » l’agglomération, « faire de cette brousse un jardin bien soigné » selon l’expression de l’auteur du projet.

UNE EMISSION HEBDOMADAIRE A LA RADIO

L’intérêt de cette expérience étant porté, comme on l’a vu, à l’échelon national, la Radio se propose de lui donner la plus large publicité. L’auditeur entendra bientôt sur les ondes le slogan « Bernay, ville-expérience de la bonne réception radiophonique ».

Bernay aura son émission hebdomadaire, des reportages seront consacrés à l’effort de ses habitants. Des émissions de variétés y seront même montées, retransmises sur l’air. Et les auditeurs bernayens auront de surcroît la possibilité de les écouter, après la victoire, sur des ondes claires et enchanteresses.

A TRAVERS BERNAY

Après deux mois et demi de travail, l’équipe de dix techniciens de la Radiodiffusion Française a détecté environ 1 500 sources de parasites. Parmi celles-ci : près de 150 aspirateurs et cireuses, 9 caisses enregistreuses, 5 tours dentaires, 25 appareils utilisés chez les garagistes (chargeurs, gonfleurs etc.), 38 machines à coudre, 10 rasoirs électriques, 73 perceuses, 17 séchoirs, 8 ventilateurs, 47 sonnettes.

Un simple coup d’œil sur cette liste montre où se cachent ces fameux parasites. On peut mentionner également les moulins à café, les écrémeuses, les allume-gaz, et… les clochers. Il reste par ailleurs que neuf fois sur dix, c’est la propre installation de l’auditeur qui est en cause.

Bien que certains mauvais plaisants affirment que les parasites sont plus nombreux maintenant qu’avant le début de l’opération. (Ils vont jusqu’à dire que les techniciens les ont amenés de Paris avec eux, pour les répandre ensuite dans la paisible sous-préfecture de l’Eure, avec mission de se reproduire comme, des poux…) On estime plus sérieusement que 75% des parasites ont été supprimés ; c’est déjà un bon résultat.

- Pardon Monsieur, comment marche votre poste ?
Content ? Mécontent ?

Nous sommes dans une rue voisine de l’Hôtel de Ville, un quartier qui était littéralement pourri de parasites avant que l’équipe de techniciens n’ait revu toutes les lignes électriques qui s’entrecroisent au-dessus de nos têtes, et réduit au silence un appareil télégraphique particulièrement perturbateur.

- ça marche, merci. Ah oui, vraiment, on ne peut plus se plaindre.

Mais…

Plus loin, la femme d’un boucher est sortie à la vue de la voiture radio.

- Eh bien non, ça ne marche plus. C’est pire qu’avant !

Allons bon !

Après une courte inspection notre ingénieur découvre que les fusibles du réfrigérateur sont desserrés, l’un d’eux est même brûlant. Il les répare.

Ça va déjà mieux. Et cette antenne ? Epouvantable ! En deux coups de cuiller à pot le technicien a rebranché le poste sur une antenne extérieure qui ne servait plus depuis belle lurette, remplacée par une espèce de fil en tire-bouchon.

Et pourtant, ce n’est pas encore tout à fait ça. Il faudrait une antenne à descente blindée, car la menuiserie est là tout près, avec son matériel électrique. Un matériel que les responsables du déparasitage ont pourtant visité. Une seconde intervention sera nécessaire…

Dans le quartier, l’installation électrique des cloches de l’église perturbait violemment les réceptions radiophoniques. Des heures de recherche, de travail, il n’y paraît plus.

LA LIGNE A HAUTE TENSION

Une ligne à haute tension longe la rue de la Couture. 30 000 volts, un crachement continu, un ronflement plutôt, interdisant toute écoute avant l’expérience.

60% des parasites ont été réduits grâce à la révision de la ligne dont les isolateurs ont été passés à une peinture spéciale et les joints resserrés.

Pour les riverains qui ont fait les frais d’installation d’une antenne à descente blindée, satisfaction complète. La ligne qui passe à moins de dix mètres n’existe plus.

Pour d’autres, pas grand-chose. Toujours cette question d’installation. Nous avons découvert chez un habitant de la rue Couture – très mécontent – que le fil de son récepteur était cisaillé près de la prise et faisait des étincelles. Sur le même poste, un condensateur était dessoudé et, comme antenne, le fameux tire-bouchon que le vendeur du poste avait déclaré suffisant…

L’EXPERIENCE A-T-ELLE REUSSI ?

Après 3 500 heures de travail, tout n’est pas fait à Bernay. Certes, les résultats acquis sont déjà satisfaisants. Et cette expérience, la première tentée en France, est un succès. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Un contrôleur, assisté d’un dépanneur, reste sur place. L’auditeur mécontent recevra la visite des services techniques d’antiparasitage qui reviendront régulièrement. Des conseils seront donnés ; des améliorations seront apportées aux installations, des nouvelles sources de parasites détectées, de nouveaux travaux de révision électriques entrepris.

Un gala radiodiffusé précédé d’un radio-reportage sur « l’expérience » couronnera tous ces efforts.

Il reste cependant des ombres au tableau : « ce » ou « ces » perturbateurs volontaires qui sévissent dans le centre ville, – la chose a été démontrée – question qui est d’ailleurs du domaine de la justice et qui ne saurait tarder à être éclaircie.

Quoiqu’il en soit, Bernay est une ville qui a retrouvé le goût de la radio avec la possibilité de capter correctement les émissions.

Puissions-nous, ô misère et parasites, en dire autant de toutes les villes de Normandie !

Yvon Pailhes, Paris-Normandie du 5 avril 1949.

 

 
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